Statistiquement, moins de cinq ans suffisent parfois à bouleverser des décennies d’habitudes. Chanel vient d’en apporter la preuve en annonçant Matthieu Blazy comme directeur artistique, défiant ainsi ses propres traditions et l’inertie d’un secteur rarement prompt à confier les rênes à la jeunesse. L’annonce officielle, survenue moins d’un quinquennat après la disparition de l’icône Karl Lagerfeld, n’est pas passée inaperçue. La maison, rarement prompte à bousculer ses codes depuis sa refonte au début des années 1980, opte ici pour une audace calculée.
Ce nouveau chapitre s’ouvre alors que l’industrie du luxe réclame du neuf, autant dans la forme que dans l’esprit. Les observateurs, plus attentifs que jamais, scrutent le parcours et la vision de ce créateur fraîchement promu, soucieux de voir comment l’héritage Chanel survivra à cette transition.
Plan de l'article
Matthieu Blazy, un parcours singulier au cœur de la mode
Matthieu Blazy, né d’un père belge et d’une mère française, s’inscrit dans une génération de créateurs qui effacent les frontières, aussi bien géographiques qu’artistiques. Son œil s’est affiné entre Bruxelles et Paris, mais c’est aussi à New York, chez Calvin Klein, qu’il a su capter l’énergie d’un autre continent. Avant cela, il a côtoyé Raf Simons et Phoebe Philo chez Céline, deux figures qui ont marqué leur époque. Son itinéraire, traversant les capitales de la mode, le distingue nettement dans le paysage actuel.
La reconnaissance à grande échelle arrive chez Bottega Veneta. Là, Blazy a choisi de réinventer la maison italienne sans jamais céder à la tentation du spectaculaire. Il mise sur une esthétique épurée, une modernité discrète mais exigeante, toujours ancrée dans l’artisanat. La maison Chanel, en le choisissant, mise moins sur un effet d’annonce que sur une méthode : celle d’un créateur qui privilégie le geste juste, la matière bien travaillée, et la tension fertile entre héritage et nouveauté.
Voici ce que son parcours révèle :
- Expérience forgée auprès de noms majeurs de la mode contemporaine
- Sensibilité internationale aiguisée, entre Paris, Bruxelles et New York
- Capacité à renouveler une maison sans rompre avec ses racines, à Paris comme chez Bottega Veneta
Ce choix dit beaucoup : Chanel s’apprête à s’ouvrir à des influences inédites, sans jamais renier ce qui fait sa singularité. La nomination de Matthieu Blazy s’impose comme le reflet d’un dialogue permanent entre audace et fidélité, entre savoir-faire transmis et nécessité de se réinventer.
Quels défis pour succéder à Karl Lagerfeld chez Chanel ?
Prendre la suite de Karl Lagerfeld ne se limite pas à hériter d’un carnet d’adresses ou d’un style. Son ombre, immense, continue de planer sur chaque collection, chaque silhouette, chaque choix de tissu. Après Virginie Viard, qui a su maintenir l’équilibre avec discrétion, la maison mise sur une personnalité capable de prendre position dans une période d’attentes multiples.
Un équilibre à trouver
Le défi : trouver la juste mesure entre respect du passé et nécessité de renouveler la marque. Bruno Pavlovsky, à la tête des activités mode, et Alain Wertheimer, héritier et stratège, attendent de leur nouveau directeur artistique qu’il sache mobiliser toutes les forces vives de la maison, artisans, stylistes, ateliers, autour d’une vision cohérente. Le risque de la nostalgie n’est jamais loin, mais l’époque veut de la nouveauté, pensée pour une clientèle internationale, du continent asiatique au Moyen-Orient.
Les principaux enjeux à relever s’articulent ainsi :
- Préserver la tradition tout en la maintenant vivante
- Affirmer une identité forte, sous le regard attentif des fidèles de Chanel
- Se démarquer face à la concurrence féroce de Louis Vuitton, Gucci ou Saint Laurent
La pression ne provient pas seulement de Paris ou des ateliers historiques. À l’échelle mondiale, Leena Nair, directrice générale, veille au grain : elle exige réactivité, désirabilité, et adaptation permanente. Succéder à Karl Lagerfeld, c’est donc transformer une maison patrimoniale en force actuelle, sans jamais perdre le fil de ce qui la rend unique.
Ce que l’arrivée de Blazy révèle sur l’évolution de la maison Chanel
L’arrivée de Matthieu Blazy ne vient pas simplement tourner une page. Elle signale, chez Chanel, la volonté de rester à l’avant-garde sans céder à la tentation du passéisme. Après l’ère Lagerfeld et la période de transition avec Virginie Viard, le choix de Blazy annonce une ambition claire : conjuguer respect des codes et ouverture à l’inédit. Ce Franco-belge, passé maître chez Bottega Veneta, porte une vision où tradition et expérimentation se répondent.
La famille Wertheimer, propriétaire de la maison, mise sur un regard neuf, capable de revisiter les fondamentaux sans les travestir. Que ce soit sous la verrière du Grand Palais ou dans la confidentialité des ateliers, la première collection signée Blazy est attendue comme un événement : la presse la scrute, les clientes la désirent, le Costume Institute du Met la surveille du coin de l’œil. Les ambassadrices, de Nicole Kidman à Ayo Edebiri, incarnent déjà la portée internationale du nom Chanel.
Ce passage de relais questionne la capacité de la maison à rester une référence, en dialoguant avec d’autres grandes signatures comme Azzedine Alaïa, la maison Charvet ou l’équipe Colban. Sur un marché en pleine effervescence, Chanel fait un choix clair : miser sur une audace mesurée. En confiant la direction à Blazy, la maison affirme que la mode n’est pas une archive, mais une création sans cesse renouvelée.
Dans l’atelier : immersion dans le quotidien du nouveau directeur artistique
Au cœur des ateliers Chanel, entre la majesté du Grand Palais et la vitalité de Saint-Germain-des-Prés, Matthieu Blazy donne le ton. Son équipe l’entoure : Marie-Valentine Girbal découpe, Krzysztof J. Lukasik affine, Artur Davtyan ajuste les étoffes sur des mannequins muets. Les mains expertes revisitent le tweed, domptent le cuir, apprivoisent la mousseline. Amanda Harlech, fidèle conseillère artistique, veille à la cohérence de chaque détail.
L’ambiance, studieuse, laisse peu de place à la parole inutile. Le rythme s’impose : chaque dessin, chaque ébauche, vise à surprendre sans jamais s’éloigner de l’esprit maison. Cette prise de poste révèle un mode de fonctionnement rigoureux : Blazy écoute, observe, questionne les matières, attend de ses collaborateurs un engagement total. Les mannequins, à commencer par Awar Odhiang, donnent vie aux créations, testant le mouvement, la lumière sur chaque pièce.
Dans ce microcosme, la photographie a aussi sa place : Rafael Pavarotti capte les instants de tension, Annie Leibovitz immortalise la fatigue et les élans d’enthousiasme. Ici se dessine la patte du nouveau styliste de Chanel : respect des gestes anciens, innovation mesurée, dialogue constant. Si la maison s’appuie sur l’intelligence collective, la vision de Blazy s’affirme, précise, portée par son regard exigeant de directeur artistique.
Les piliers de cette dynamique sont évidents :
- Des collaborateurs aux profils variés : artisans, stylistes, mannequins, photographes
- Un cadre unique : ateliers Chanel, du Grand Palais à Saint-Germain-des-Prés
- Une vision : exigence, écoute, création collective au service d’une identité renouvelée
Blazy vient à peine de s’installer que la question se pose déjà : jusqu’où osera-t-il emmener Chanel, et quel héritage façonnera-t-il pour la prochaine décennie ? La réponse s’écrira, pièce après pièce, sur les podiums et dans l’histoire vivante de la maison.

