Comment aborder le sujet des humains siamois avec vos enfants

Jeunes jumelles conjointe lisant un livre coloré avec un parent

Un chiffre brut, un mot qui déroute, ou la silhouette inoubliable de deux enfants soudés par la vie : aborder les humains siamois avec un enfant, c’est toucher à la fois la curiosité, l’empathie et nos propres représentations. On croit souvent connaître le sujet, mais la réalité déborde bien des idées reçues.

Humains siamois : comprendre une réalité rare et fascinante

Les humains siamois, plus rigoureusement appelés jumeaux conjoints, incarnent une rareté biologique qui ne laisse personne indifférent : environ 1 naissance sur 50 000 à 200 000 dans le monde. Ce terme nous vient de l’histoire de Chang et Eng Bunker, deux frères nés au Siam (l’actuelle Thaïlande) au XIXe siècle, dont la vie hors du commun a marqué les esprits. Deux personnes reliées par une portion de leur corps, chacune avec son histoire, ses envies, ses rêves, sa façon d’exister : la notion d’identité prend ici une dimension particulière.

La médecine a identifié plusieurs types de jumeaux siamois selon la zone de fusion. Voici les principales formes observées :

  • thoracopages : fusion au niveau du thorax,
  • rachipages : reliés par le dos,
  • pycopages : jonction au niveau du bassin inférieur,
  • céphalopages : rattachés à la tête,
  • craniopages : connexion au niveau de la boîte crânienne,
  • omphalopages : soudés au niveau du nombril.

Certains cas plus exceptionnels existent, comme les jumeaux ectoparasites ou endoparasites, où l’un des deux enfants reste incomplètement développé et dépend du corps de l’autre pour survivre.

Tout commence par une division incomplète de l’œuf lors d’une grossesse gémellaire particulière : monozygote, monochoriale, monoamniotique. Selon les circonstances, certains organes, foie, cœur, pancréas, cerveau, peuvent être partagés, ce qui rend chaque cas singulier et souvent complexe sur le plan médical. La majorité des cas concerne des filles (entre 75 et 90 %). Grâce à l’échographie prénatale, il est possible de poser un diagnostic tôt dans la grossesse, permettant à la famille et à l’équipe médicale de réfléchir ensemble à la suite. Parler de jumeaux siamois, c’est inviter les enfants à élargir leur regard sur la diversité humaine, la force du lien familial et le respect des différences.

Comment expliquer la naissance des jumeaux siamois à un enfant ?

Pour faire comprendre ce phénomène, il vaut mieux partir de notions simples : la croissance d’un bébé, puis de deux, dans le ventre d’une maman. Les jumeaux siamois naissent d’un œuf qui, au lieu de se séparer complètement pour donner deux enfants distincts, reste partiellement uni. Cela se produit très tôt, sans qu’une cause précise soit toujours identifiée : le résultat, ce sont deux enfants physiquement reliés, mais avec chacun sa personnalité.

Un exemple parlant : imaginez deux graines qui poussent, mais dont les tiges demeurent attachées. Chacun grandit à sa manière, mais une partie du corps demeure commune. Selon l’endroit où les enfants sont reliés, thorax, dos, bassin, tête, la vie de famille s’organisera différemment. Les enfants comprennent vite que cette jonction n’efface ni les goûts, ni les envies, ni le caractère de chacun.

Grâce à l’échographie, la plupart des jumeaux conjoints sont identifiés avant la naissance. Cela laisse le temps à la famille, entourée de médecins, de se préparer. Parler de ces situations sans pathos ni tabou montre que la nature réserve parfois des surprises : chaque parcours est différent. Insister sur la diversité, la solidarité, le respect, c’est offrir à l’enfant une boussole pour appréhender la différence. L’enfant, lui, accueille souvent cette explication avec simplicité ; à l’adulte de l’accompagner pour comprendre et respecter cette singularité.

Questions fréquentes et idées reçues : démêler le vrai du faux

Beaucoup d’enfants, et même d’adultes, se posent des questions sur les jumeaux siamois. Voici quelques réponses aux interrogations les plus courantes :

  • Est-il possible de séparer tous les jumeaux siamois ? Non. La possibilité d’une chirurgie de séparation dépend de la zone de jonction et des organes partagés. Parfois, comme pour Bissie et Eyenga en France, ou Erin et Abby Delaney à Philadelphie, la séparation réussit, mais ces cas restent rares.
  • Les jumeaux siamois vivent-ils longtemps ? Les chances de survie varient beaucoup : peu d’enfants atteignent l’âge adulte, même si certaines histoires, comme celles de Chang et Eng Bunker ou d’Eliza et Mary Chulkhurst, montrent qu’une vie longue est possible.
  • La naissance de jumeaux conjoints est-elle due à l’hérédité ? Non. Il ne s’agit pas d’une maladie génétique, mais d’un accident lors de la division de l’œuf. L’hérédité ou l’environnement des parents n’entrent pas en jeu.

Il arrive que certains fassent un parallèle avec les chats siamois ou d’autres animaux, mais le phénomène humain n’a rien à voir avec une question de « race ». Il s’agit d’une anomalie de développement embryonnaire, imprévisible et très peu fréquente. Distinguer le vrai du faux, écouter les questions, y répondre avec précision : c’est ainsi que l’on construit une compréhension solide, loin des clichés.

Enfants attentifs dans une classe avec un enseignant expliquant les jumelles

Favoriser l’empathie et la tolérance dès le plus jeune âge

Évoquer les jumeaux siamois avec un enfant, c’est lui permettre de saisir la richesse de la diversité humaine jusque dans ses formes les plus inattendues. Des récits comme celui de Bissie et Eyenga, séparées après avoir partagé un foie, ou celui d’Erin et Abby Delaney, reliées par les tissus cérébraux, rappellent que chaque histoire est unique. Derrière la fusion physique, chaque jumeau existe à part entière, avec ses choix, ses émotions, ses rêves.

S’appuyer sur les exemples concrets aide à dépasser les préjugés. Racontez l’histoire de Chang et Eng Bunker, ces frères venus d’Asie qui ont fondé leur propre famille. Évoquez Eliza et Mary Chulkhurst, deux sœurs ayant traversé trente-quatre années de vie commune. Ces parcours illustrent l’inventivité, l’entraide et la capacité à construire une vie qui ne ressemble à aucune autre.

Pour aider l’enfant à développer sa tolérance, invitez-le à imaginer le quotidien : les gestes partagés, les défis, mais aussi les moments de joie. Posez-lui des questions sur la différence, l’entraide, l’accueil de l’autre, même quand la forme du corps interroge. Précisez que ce phénomène reste exceptionnel, moins d’un cas sur 50 000 à 200 000 naissances, et évitez d’en faire un sujet de fascination. L’empathie grandit dans le regard porté sur l’autre, dans l’écoute de son histoire, bien au-delà de toute apparence.

Un jour, votre enfant croisera peut-être le regard de deux vies liées par la naissance. S’il sait regarder au-delà du visible, alors la différence ne sera plus une énigme, mais un pan supplémentaire du récit humain.

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